La revanche des paramilitaires de la LTTE
Ayant pris part au mouvement des Tigres Tamouls- les fameux LTTE : Liberation of Tamil Tiger on Eelam)- les femmes semblent se complaire dans leur engagement qui, par ailleurs, a permis à ce mouvement séparatiste de s’élargir et d’avoir un impact plus grand encore. Elles furent donc la grande réussite de cette lutte ethnique. Créées par Prabhakaran, leader du LTTE, ces « oiseaux de la liberté » se transforment au gré du conflit et deviennent des acteurs marginaux souhaitant diffuser l’idéal marxiste des Tigres. L’idée de se sacrifier au nom du LTTE est une des conditions pour s’intégrer. Traitées alors d’égal à égal comme elles le souhaitent, la distinction entre les genres commencent à ne plus se faire. Couchant au départ, notamment avec des militaires, les veuves et autres femmes désespérées vivent leur attraction au sexe comme une manière concrète d’exprimer leur indépendance. Les choix des femmes sont durant la guerre civile très affectés du fait de l’attente du retour du mari, la chasteté devant primée. Elles deviennent pourtant très vite un divertissement pour les soldats. Elles échappent alors pendant quelques heures à leur soumission et à leur identité culturelle. Cela défie le statut identitaire et réorganise les schèmes de la féminité.
Durant la guerre civile, les “travailleuses du sexe” le font au nom de la dignité de leur genre. Elles ne veulent pas être regardées comme des victimes ou des êtres faibles. Leurs choix sexuels semblent dévier les conventions sociales, mais cette forme de sexualité se distingue de la violence et des abus connus habituellement durant la guerre. Elles reconstruisent la société en fuyant les normes qui leur étaient imposées. Devenues le symbole de la société tamoule, elles ont été des combattants actifs, utilisées comme des « soft skills », les femmes ont pris à cœur la question de l’ethnicité revendiquée par le LTTE. Elles veulent donner plus au mouvement que l’abandon de leur corps pour quelques heures.
Elles s’insèrent alors comme une arme redoutable et stratégique : des bombes humaines. Celles-ci ont osé, après avoir imposé aux hommes leurs propres désirs, s’investir dans ce que l’on a l’habitude d’appeler des métiers masculins. Les femmes partent au front lorsqu’il est décidé de cibler, non plus uniquement les forces de sécurité, mais aussi les civils. Celles-ci ont été les premières kamikazes. Servant la cause de leur société tout en répondant à l’appel de l’honneur féminin, leur engagement « viril » fut considéré par la communauté internationale comme des actes héroïques. Elles purent devenir les martyres du spectacle de la mort par le LTTE.
Gena, une des cadres tamoules du LTTE, morte dans une attaque suicide.
Entre 1987 et 1991, les dégâts de « la terreur sri-lankaise » augmentent incroyablement, les militaires féminines enchaînent les attentats suicides comme une manière de transformer leur destin. Ces attaques expriment les souhaits des combattantes du féminisme tamoul : atteindre l’égalité des sexes. Se soumettant aveuglément aux atrocités demandées par le mouvement des Tigres, elles s’acharnent à diffuser non seulement les messages ethniques mais cherchent aussi à susciter l’admiration afin d’atteindre l’indépendance féminine.
Ayant renversé l’ordre sexuel, les femmes se sont distinguées des us et coutumes conservateurs Sri-Lankais. Cela suggère que les femmes peuvent être considérées comme les sauveurs de la culture tamoule mais aussi que l’émancipation féminine nécessite une grande persévérance. Ces guerrières peuvent être perçues comme les précurseurs du féminisme sri lankais… Cela créé une certaine dichotomie car alors qu’elles agissent dans des mouvements « virils », elles construisent la pièce essentielle pour la reconnaissance de leur statut de femmes…
Les femmes dans les camps d'entraînement de l'est du Sri Lanka
Cet engagement a notamment permis d’ouvrir les débats sur la question de l’avortement. Ne pas les confiner dans le moule des machines à procréer a été un argument fort pour les nombreux activistes de la cause féministe. Si ce bond en avant, discuté pourtant depuis 1993, n’a pas été franchi, il a en revanche remis sur la table l’idée de l’autonomie sexuelle et a permis de remettre en cause l’impunité du viol dans le mariage. L’hégémonie féministe semble se propager et la communauté internationale souhaite agir pour cette cause la considérant comme « une guerre pour la paix »…